Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Au bord de Lo
13 décembre 2008

Lola Montès, tragique égérie

Au XIXe siècle, les danseuses et les actrices faisaient chavirer les cœurs des jeunes âmes romantiques sur les scènes du monde entier. On se défiait les uns les autres pour laver l’honneur de sa déesse, vilipendée par quelques malotrus sur les grandes scènes des capitales. De cette gloire sans égal et sans lendemains des femmes de théâtre, Max Ophuls a tiré une œuvre cinématographique qui par un prodigieux effet de miroir fait à son tour chavirer les cœurs des spectateurs de ce film consacré à la vie frivole, grandiloquente et tragique de la belle Lola Montès.

Le spectacle commence, sous la férule du maître de cérémonie, narrateur de la grande geste de Lola Montès, et les tableaux s’enchaînent sans fausses notes, tous plus grandiloquents les uns que les autres.

Les plans admirablement construits dans cette immense nef d’un cirque dans laquelle paradent Lola et le fol caravansérail des nains, hommes sans tête et jongleuses laissent paraître les deux visages de cette farce proposée aux spectateurs tenus dans une obscurité persistante qui fait écho à la salle d’un cinéma. La vie débridée et les brillantes conquêtes côté scène, et la tragédie des revers et des désillusions côté jardin, Lola se livrant en spectacle sous les immenses lustres, comme si de rien n’était, allant allègre sur la corde raide, chevauchant hardiment le cheval, passant ainsi de bras en bras jusqu’à gagner les cœurs les plus illustres de cette Europe balayée par les révoltes et les révolutions dont elle n’a que faire. Car le spectacle prime, le spectateur se pâme au récit des folles aventures, ne sachant rien du drame qui se jour. Car Lola souffre, étouffe, pâlit mais ne renonce pas, fidèle à l’audace et à la déraison qui ont guidé son existence, relevant avec une témérité indécente les fis les plus dangereux, jusqu’à replonger, la peur au ventre, vers l’inconnu, la déchéance, le vide. Tous ces dangers bravés pour quoi ? une mise en cage à laquelle, tel un animal de foire extraordinaire, viennent se prosterner les théories émoustillées des mâles émus devant un tel assaut d’impudeur et de libertinage.

Certes, la vie est amère, le destin tragique, l’envers désolant. Or, le spectacle se clôt et le plaisir est entier, extraordinaire et nous n’aurions pas d’autre souhait quand le rideau se referme que de nous joindre à la file des admirateurs pour baiser nous aussi la main de cet artiste contre une modeste obole.

Les grandes tragédies font les grandes œuvres, une fois encore. La sortie en salles de ce chef-d’œuvre, cinquante ans après une première qui fit flop, n’est que justice rendue.

Publicité
Publicité
Commentaires
Au bord de Lo
Publicité
Au bord de Lo
Archives
Publicité